vendredi 30 mai 2008

30 mai 2008

il a un vague sentiment
de mourir à tous les jours
et c'est ce qui le tient
en vie

la vie et la mort
comme un ruisseau
retournant au fleuve
se redivisant en ruisseaux

sa bohème entre les doigts
il cherche le Petit Prince
il veut lui demander
comment vont ses baobabs

pour seul repère

le dessin de l'aviateur
du lieu où le petit bonhomme
est parti

quelque part
entre les dunes
et le ciel
une mince ouverture
vers un nouvel horizon

jeudi 29 mai 2008

29 mai 2008

Un lobe d'oreille entre les doigts, il se promène. Il cueille au vent les samares. Fruits libres. De jeunes pousses d'étoiles dans les arbres regorgeant de soleil. Il s'abreuve de gouttes de pluie. Il croit aux lutins. Leur existence est belle. Une magie pour le coeur. Pour lui, le jour n'a pas d'heure.

Il rit et boit du thé marocain. Ses sandales l'amènent là où les femmes se voilent. Leur armure de soie ploie à son passage. Un froissement d'âme à peine perceptible.

C'est pourtant sa dernière journée de beau temps. Frêle, la lourdeur d'une confiance folle qu'il existe un monde meilleur.

mercredi 28 mai 2008

28 mai 2008

petit bout de femme
éparpillé de sommeil
son nom me rappelle
les vagues
du Nord
le fond marin
de longues plaintes

petit bout de femme
éparpillé de sommeil
ses yeux épargnés
du voyage des années

petit bout de femme parcellaire
conservé par la lave
éruption figée

lundi 26 mai 2008

26 mai 2008

sur scène
un écran de toi-même
blue screen à grande échelle

lancinante candeur
paupières battantes
fiction
filmée à l'épaule

de la poudre à canon sur les joues
tu t'effondres dans la caméra

l'objectif en forme de stéthoscope
cherche ton pouls

starlette à l'étalage
ta péremption approche

le studio d'une mort assurée

dimanche 25 mai 2008

25 mai 2008

y a pas de place ici
vas-t'en dans ton lit

le ciel se couche tôt
quand y a pas de paradis

bouche ton nez
avant d'avaler

ça prend du temps
pour apprendre

ça prend pas grand chose
pour oublier

une balle perdue
sur un pur inconnu

samedi 24 mai 2008

24 mai 2008

y a peur de vivre
pourtant y vit
parce que peur de mourir aussi

y recule plus qu'y avance
y pense bien faire
en ne faisant rien

y reste à l'intérieur de lui-même
pour que personne le voit
être sûr de ne pas déranger

la peur de se faire aimer
faire à semblant de s'en aller

y est mort sans faire de bruit
sans se réveiller

à l'extérieur
une ville de plomb
un chemin de fer désaffecté
et une fillette sans nom

jeudi 22 mai 2008

22 mai 2008

Il a toujours rêvé d'être reconnu. D'être adoré. La gloire lui revient de droit. Et il est le seul juge de sa destinée.

Une soif insatiable de succès. On dit que la reconnaissance n'a pas de prix. Pourtant, tout se paie. Au plus fort la poche. Que le plus fort gagne. Sélection naturelle d'une suprématie artificielle.

Il ne s'adresse qu'à la race élue. Aux gens de son rang. Sa conscience carbure à l'amour-propre. Son regard atteint des sommets. Trop difficile de baisser la tête. Mieux vaut piler sur les fourmis.

Un jour, à force de briller, le reflet de lui-même le frappe de plein fouet. À 160 km/h, la BMW de Monsieur, insondable. Trépasse. Avec un soleil aveuglant, on ne peut s'admirer.

mercredi 21 mai 2008

21 mai 2008

The End qui joue sur un vieux tourne-disque. Le vinyle rond en bouche comme un bon scotch écossais. Ça coule lentement dans la gorge. Ça réchauffe l'âme. Ça laisse un arrière-goût de liberté. Des rêves fous d'enfants-fleurs tournant autour d'un feu de joie. Les crépitements, la tison en fusion. L'homme-félin râle. Son cri d'amour se répercute dans la foule. La foudre orgasmique donnant des coups de bassin. Le roi lézard célébrant encore une fois la puissance du sexe. Une insouciance bravant la témérité du monde. Des portes trop grandes ouvertes pour un seul homme.

vendredi 16 mai 2008

16 mai 2008

Des ambitions tout le tour de la tête. Le front large comme les grands espaces d'une conquête. Le sac à dos rempli de coups de tambour. Les jambes encombrées d'une envie de sauver l'humanité.

Il n'a même pas à parler. Les gens le suivent. Ses yeux brillent d'une lueur qui transperce. Les tables l'accueillent. Ses pieds les foulent dans une furie d'alexandrins improvisés.

Un compte à rebours a lieu. Personne ne l'entend. Pourtant... 10, 9, 8. On dit de lui que l'espoir l'habite. Les uns le traitent d'idéaliste. De rêveur imprudent. Les autres l'étiquettent - un animal de cirque en colère. Le feu crépite trop fort.

7, 6, 5. Il écrit. Ça coule de source. Une arrogance sans nom. Sans aucune prétention. Rien ne le retient. Il a la liberté au trousse. La furie d'un être humain perdu. La paix d'un homme qui se retrouve.

4, 3, 2. Ils sont deux. Beaucoup plus que deux. À la racine du noyau du centre de tout. Unis jusqu'à la moelle. L'amour ne se dit pas. Il se vit. Il l'aime plus que tout. Ses projets s'alimentent en elle. Elle le gave d'un aliment invisible. Un jour, sans raison, elle s'en va.

1... 0... Le cerveau. Disjoncté. Une escale sans fin. À New York. L'Empire State Building trop mis en scène. Un film hollywoodien mal chié. Pas d'happy end. Pas de générique. Juste un long cri. D'un pirate maboule.

jeudi 15 mai 2008

15 mai 2008

Il est mort à 74 ans. Son coeur a flanché au mauvais moment. Il arrivait presque. 20 secondes encore. Presqu'une belle mort. Un orgasme à poindre. Mais trop tard. Raide était son corps. La queue bandée. La patate explosée. Une pilule bleue au fond du gosier.

Il est mort à 74 ans. Deux jours après s'être remarié. Sa femme, 30 ans de moins. Blonde. La peau basanée. Ensevelie sous un vieux tronc. Une ancienne marée. Un voyage de noce funèbre sous une lune trop dorée.

mercredi 14 mai 2008

14 mai 2008

Elle sort de chez elle à tous les matins, à la même heure. Ses cheveux sont bien mis. Aucun pli sur ses vêtements. Elle émane la stabilité se parfume de routine. Elle ne se rend pas compte qu'il y a un nouveau soleil. Que ce ne sont pas toujours les mêmes oiseaux qui chantent. Elle ne voit plus sa maison ressemblant à toutes les maisons. C'est une banlieue construite en un bloc. Rien ne sort de l'ordinaire. La norme est régulée de bord en bord. Les rues ne sillonnent pas l'horizon. Elles sont faites comme des grandes allées d'un centre d'achats. Et sa vie à elle est bien rangée. Son mari est bien rangé. Ses enfants sont bien rangés. Des amis comme il faut. Une vie comme il se doit. Sans rien ajouter. Pas de parole pas de pensée insensées. Rien ne dépasse. Tout est égal. Impeccable ligne droite.

Comme tous les matins de la semaine qui s'égrainent machinalement elle se creuse un moule épousant sa forme. Peu à peu, à force de se vider l'âme, un sillon long comme la mort apparaît. Un cercueil confortable. Bien rangé.

Mais elle, elle ne voit rien. Tout cela est trop loin. Dans sa tête, il y aura toujours un autre lendemain.

mardi 13 mai 2008

13 mai 2008

Il n'habite plus sur Terre depuis longtemps. Il a préféré visiter d'autres contrées. Ses bras ne supportent plus la pluie. Et les couleurs n'ont pas de forme. D'où il vient, le métal règne. Des bruits de fer et de rouille de sueur sans sommeil. Sa mère ne se souvient plus de son nom elle a bu toute sa mémoire. Le père, lui, a fui en silence. Dans l'humidité, le fils a grandi. Il est devenu une longue chaîne de souffrance. Il s'est attaché aux murs de béton. Trouver un coin sombre pour s'évader. Ses traits ont vieilli plus que lui-même. Il s'est fossilisé, métro Berri, Maisonneuve, coin St-Denis. Dans son sang, des globules dopées de mescaline.