mercredi 30 juillet 2008

30 juillet 2008

les lèvres salées
le goût du St-Laurent
les cheveux balayés
vague après vague
sans jamais se lasser
friction fébrile
le brouillard amer
l'écume salissant les pierres arrondies
un cormoran comme seul contraste

une lettre écrite à la main
la femme d'un ancien marin
un au revoir brodé
sur les traverses
entre Godbout et Matane

samedi 26 juillet 2008

26 juillet 2008

les algues brunes vertes bleues
brumes écartelées
glissade des montagnes des marées montantes
la femme vêtue d'argile
colliers de coquillages ocres
le creux du cou roucoule
rorquals à l'horizon qui croulent
enrobage de sels
pénétration des vagues
s'échouer au large
les jambes écaillées
s'enfoncer les pieds dans la glaise grise

la femme au ventre d'océan
s'avance s'efface
ses cheveux bruns verts bleus
sa bave et l'écume
entremêlées

vendredi 25 juillet 2008

25 juillet 2008

l'envie de serrer un arbre
contre soi
sentir ses tempes de sève
ses racines solidement plantées
serrer un arbre contre soi
pour ne pas se perdre
le serrer le plus fort possible
à s'en écorcher les bras
le tronc et le corps enlacés
la poitrine soulevée
par la beauté
lever la tête
l'élever dans les branches
la cime verte
baignée de lumière

s'éteindre dans l'étreinte
l'absolu ramené
à la terre

jeudi 24 juillet 2008

24 juillet 2008

t'as tout mangé
y avait de l'art
dans ton assiette
ta fourchette grattait
la porcelaine

y fallait tout avaler
engouffrer le pain
la viande se faisait rare
y pleuvait de l'acide
dehors
des bombes
la maladie les incendies
les feux de forêts

t'as tout mangé
y avait de l'art
dans ton assiette
ta fourchette grattait
la porcelaine

mercredi 23 juillet 2008

23 juillet 2008

les yeux presque fermés
une mince ouverture pour un autre lendemain
cent années accumulées sous une couche de calcaire
l'ancêtre s'incline rumine
les ombres de sa vie maintenant précaires
le corps atomisé dans l'expérience sourde
du tunnel qui culmine
le corps paralysé de vieillesse
et le sourire éternel
d'une longue traversée

mardi 22 juillet 2008

22 juillet 2008

la moiteur du réveil absorbée par la barre déodorante
l'alignement symétrique des instruments esthétiques
pince à cils rasoir à deux lames lime à ongles crème hydratante produits antirides tampons nettoyants et shampooing aux lilas
le peignoir de soie en attente
la vapeur se formant en gouttelettes tièdes
condensation des surfaces lubrifiées
contact de la peau et de l'eau
le savon à la main comme le pain béni
l'eucharistie à toutes les heures du matin
le retranchement périodique des pores sous le pommeau de douche putréfié
les plis mouillés de nos âges cosmétiques
la noyade de l'hygiène obscène
la mort propre aux odeurs contrôlées
et la dentition parfaite pour une reconnaissance post-sociale bien méritée

dimanche 20 juillet 2008

20 juillet 2008

papa ai peur ai si peur tremble de partout ai fait des cauchemars écoute mon petit coeur bat très très vite papa sers-moi dans tes bras papa cache-moi m'enfouir le nez au creux de ton épaule pour me protéger une petite veilleuse vacille fait des ombres monstrueuses sur mon mur rose papa ai peur le camion de poubelles fait tant de bruit a de grosses dents prêtes à me dévorer il grogne si fort me sens trop petite pour l'affronter papa tu marches trop vite ne peux pas te rattraper mes jambes si courtes et le camion se rapprochant dangereusement sa grosse gueule grande ouverte m'avaler tout rond dans un grand fracas de métal rouillé le vrombissement violent résonnant au-delà de mon sommeil trouble

samedi 19 juillet 2008

19 juillet 2008

- IV -

le dernier se lève
chancelant il rit
la victoire chantant dehors

il pleut des pesos
sur son toit de tôle
le bidonville dégoulinant loin derrière

gringo jeune et habile
les cheveux noirs
riant d'un avenir au soleil

se penche
ramasse le précieux trésor
pose le sombrero veuf
sur sa tête neuve

sort comme un coq
sa sacoche en peau de vache
remplie de billets mexicains

il n'a jamais entendu
la femme au katana
blonde comme les blés
qu'il a déjà imaginés
pousser au nord de l'Amérique

la femme au bras d'ange
justicière du désert
brandit hors de son fourreau
la lame aussi belle que la nuit
forgée dans un Japon en acier brut

la tête du gringo
s'écroulant roule
rejoignant ses adversaires
le quatuor de bandidos

le sombrero libre
se promenant sur les berges
de la Bahía de Banderas

vendredi 18 juillet 2008

18 juillet 2008

- III -

que deux brigands
aux poches vides
louchant sur le pot intouchable

l'oeil vif se calme
range son Beretta
n'a pas de temps à perdre
le duel au trousse

l'air impénétrable
jetant un coup d'oeil
aux deux cadavres
gisant sur le sol sec

le paquet de cartes
décidant du sort

un brelan trop bas
l'autre prend son élan
enlaçant ses doigts autour du cou
de sa proie

l'homme au sang froid
figé à jamais

jeudi 17 juillet 2008

17 juillet 2008

- II -

un vent torride
secoue le trio au sang chaud

trois gringos encore assis
la misère accrochée à la peau

l'homme au sombrero
réanime sa chaise
se rassoit
brasse les cartes usées
cale la bouteille de Tequila
pose bruyamment ses bottes de cuir
sur le banc vide
mâche une chique de tabac
son visage toujours caché

la main est donnée
aucun jeu
que du bluff

l'homme au sombrero
parle trop fort
intempestif
plaque ses cartes
sur le bois écorché
une pauvre paire
fière comme un carré de rois

à sa gauche
le fiel silencieux
la main de feu
tire de son pistolet

le sombrero échevelant
la grande carcasse née à Carcassonne

mercredi 16 juillet 2008

16 juillet 2008

- I -

quatre gringos sur les dents
négociant leur vie au poker
le pot égal au magot arnaqué
une nuit de tempête
l'ouragan secouant la banco
à Puerto Vallarta

dix millions de pesos
ruisselant dans le Ciudades perdidas


le plus vieux d'entre eux
le banjo à quatre cordes au rythme de sa respiration
aux lèvres, un cigarillos fumant
les yeux aiguisés comme des poignards

une quinte flush royale
brillant sur sa canine en or

l'homme au sombrero
se lève
fait voler sa chaise en éclat
sur la pointe des pieds
la tête baissée
tranche la gorge du vieil homme
les mises flottant tout d'un coup
dans l'air vicié

le mégot du cigarillos
toujours allumé
la quinte éteinte

mardi 15 juillet 2008

15 juillet 2008

borgne d'un amour aveugle
avidité luxuriante du geste précis
retirant l'aube de son éprouvette
la densité des langues d'acier
la porosité de la poudre à canon
le lavement acidulé de la déception
le front captant les voix tièdes
du miel ou du goudron
Paprika le nom du chat posté sur le balcon
un escalier enroulé en colimaçon
la carapace bien basse
trois paliers à monter
une ascension en flash back
la sonnette réactionnaire
actionnée
le doigts dans l'oeil magique
obstruction émotive
le déboulement précipité
une marche manquante
la rampe grimpante
désinstallée
deux étages plus bas
la mine défaite

les conséquences à double sens
d'une amoureuse au coeur de palme
une chute borgne
le tâtonnement chétif
aveuglé par l'oeil du cyclope
enseveli sous le parquet

lundi 14 juillet 2008

14 juillet 2008

il est mort dans l'oeuf n'a pas eu le temps d'éclore a fait trop noir trop vite sa coquille laiteuse amincie par l'hiver le duvet prenant place au sommet des roseaux l'engrais de lui-même plus vivant que tout le reste

il est mort dans l'oeuf n'a pas réussi à sortir sa solitude faisant écho sur les parois ovales il aurait été le premier homme le premier humain couvé en dehors des souffrances le premier à prendre son envol sur une terre où les proies n'ont plus peur

pondu dans les mythes, entre les légendes des débuts du monde et les épopées des derniers combattants

dimanche 13 juillet 2008

13 juillet 2008

une femme et un clocher
un combat à mener

une chorale de petits chanteurs
nu pieds

le soleil au zénith
sur les sols secs du Mexique

des vêtements blancs
suspendus au pignon
de la plus petite maison

un vieil homme de sel
son chien chassant
les feux de broussaille

la jungle aux éclats de l'instinct
la loi du plus fort
comme tapis de bienvenue

le clocher pourfendu
le ciel couleur rouge jalapeno
massacre odeur du sang

chaleur assassine
sur le pallier

une meute de mutants
aux yeux pales

meurtres carnassiers
profilés à grands traits

et trois énormes vautours
surplombant la scène

samedi 12 juillet 2008

12 juillet 2008

des cages à poule rangées par milliers
deux pieds cubes pour piétiner
le bec fermé une bague autour du pied
les ailes coupées
un numéro de série
comme seule preuve d'identité
trois cent mille portes grillagées
aucune volière
l'antichambre au bout du tunnel
le couperet au cou

se faire engraisser
pour être bouffé
production mécanique
de poulets cathodiques

cancers à la chaîne
au prix du cost

vendredi 11 juillet 2008

11 juillet 2008

une vrille de violons
son lancinant comme un long trajet lacéré
au travers le vol d'hirondelles affolées
l'amplification des cordes
frottement répété

l'absorption du tourbillon
pour en venir à l'apaisement
le soulèvement soudain
des peupliers

après la chute
l'équilibre retrouvé
précarité du ciel
se mouillant le bout des pieds
l'eau du moulin
alimentant de nouvelles
variations
purification cyclique
du trépas

valse imaginaire
la vérité absorbée
dans une convulsion
spirale des années
étourdies

l'envie d'extraire la lumière
du sol
infusion d'un concerto
insoluble

jeudi 10 juillet 2008

10 juillet 2008

avais si hâte de t'entendre juste me dire comment tu trouves le fleuve quand tu passes avec ta Westfalia peinturée au rouleau sur le pont Champlain quand tu reviens de tes livraisons nocturnes les phares de tes dettes s'empilant sur les vieilles banquettes recouvertes de couvertures de l'Armée du salut données un soir de verglas

avais si hâte de sentir ta barbe pas faite toute piquante frôler mes joues pour me dire bonjour en riant sur le bout de ton nez tes barniques rondes à la John Lennon, ton torse tapissé de ton ample poncho datant de nos folles escapades au Pérou

avais si hâte que sur la pointe des pieds tu te glisses près de moi me plaquant tes mains gelées sur mon ventre me faire sursauter m'accrocher à ton cou tes larges épaules me rappelant les grandes montagnes des Andes le lac Titicaca ramené dans une petite bouteille vide de Jack Daniel's bue une soirée à regarder les étoiles comme deux zouaves ébahis

avais si hâte pas grand chose m'aurait retenue pour te suivre t'es parti trop vite ne m'as pas attendue tu voulais voir le soleil se lever ne pas manquer les premières lueurs du bout du monde t'es jamais revenu t'es resté là-bas les bras en l'air à essayer d'attraper la beauté du moment qui passe

mercredi 9 juillet 2008

9 juillet 2008

il a levé les yeux vers sa femme
il l'a tant aimée
la prunelle de son âme
comme le miroir
de leur histoire
lui a adressé un sourire
le coin de ses lèvres
plissé
en forme d'espoir
un mot fragile
plié
origami d'une complicité
trémolo en papier

il a voulu savoir
le temps qu'il fait
s'il y avait assez de lumière
pour s'y perdre

elle lui prit la main
un chuchotement inaudible
ramenant la tête de l'homme
au creux de ses cuisses
rassurer
l'autre partie
de soi
apaisement isolé
recueillement du couple
au seuil
du deuil

lundi 7 juillet 2008

7 juillet 2008

il a été jardinier toute sa vie il a râtelé les sols retourné la terre les racines du monde lui appartiennent il les a arrosées de son vivant a semé l'avoine à tous vents élaguer les paysages en entier arboricole des parcs et des champs les végétaux imprégnés de ses mains les doigts comme des rhizomes plantant les bulbes un à un dans un élan de grâce la floraison surprend le rythme des saisons orchidée célébrée dans l'herbe une chaude journée d'été le soleil pâmé les rayons concentriques pollinisation des graines transformation de la sève brute le flux du nectar lys bourgeonnant l'épine dorsale dressée le jardinier recourbé la colonne arquée le nez de corolle rosier généreux débordant la bêche prête à aérer l'humus la mousse humide au pied des séquoias à l'ombre les fruits lourds plombent

l'archet vibre violoncelle alto en aval l'azalée dame nature se déshabillant sous les chutes d'un ravin isolé le jardinier gît à la lisière d'une clairière claironnante son écorce vieillie reposant sous les feuillages de nouvelles pousses

dimanche 6 juillet 2008

6 juillet 2008

ton cul de nuit
scintille
mini-jupe trop courte
léchant le haut
de tes cuisses
ceinture embrassant
ta taille top modèle
peau de bronze
balayant les phares allumés
ta poitrine
défie les lois
de la gravité
pommes bien rondes
riant à gorge déployée
démarche féline
enjambées détachées
chaque pas
rappelant
les femmes aguichantes
des mangas
tes battements de cils
régissent les séismes
que tu crées
ta bouche
dessine des esquisses
de désirs exquis
tes hanches sinueuses
ondées drues
perturbation spontanée
l'ondulation en cascade
de tes yeux verts
irrigation de l'iris

ta jeunesse déverse
ses charmes
sur les trottoirs nus

la mort ovulatoire
ne se protège pas
zéro crainte criante
beauté criarde dernier cri
l'amour ne tue pas
qu'on dit
séropositivité plantureuse
plantée là

samedi 5 juillet 2008

5 juillet 2008

dans la chambre
cliniquement blanche
maintenue
artificiellement
un vase jauni
illustre témoin
d'années en apesanteur
un bouquet de fleurs
en plastique aseptisé
stérilité des gestes
au centre de la pièce
un homme alité
son corps cloué dans l'oubli
l'âme embaumée
le regard protégé
du chaos
une femme au pied du lit
les barreaux de métal
comme seule compagnie
elle parle de ses mains
raconte le quotidien
en souriant
la poésie s'éprend
croule dans les draps
s'écoule
en intraveineuse
relation comateuse
entre une femme endormie
et son amant

vendredi 4 juillet 2008

4 juillet 2008

quelqu'un déjà croisé quelque part
on ne sait où
un air familier
il se tourne la tête brièvement
un regard interrogateur
il me reconnaît
vaguement
un sentiment de déjà vu

il passe son chemin
se penche
rattache ses lacets
se relève
enlève son masque
il fait froid
son visage est disparu
une main tendue
crispée à jamais

jeudi 3 juillet 2008

3 juillet 2008

le coeur gros
gonflé à l'air chaud
gros comme un ballon
prêt à s'envoler
éponge béante
absorbant l'immensité
des battements pulsations maîtresses
tant de gens autour de soi
des rues peuplées d'habitats
un tourbillon étrange
impossibilité de connaître
tous ces passants
meubles éparpillés
en millions de fragments

des maisons à perte de vue
l'écartèlement du spleen
la perte du sens de soi
invasion massive de l'aorte
oxygène viscéral d'occuper l'espace
une dernière fois

mercredi 2 juillet 2008

2 juillet 2008

sur la trace d'un inconnu
de petits cailloux semés
derrière lui
ombre parapluie

il ne sait pas
suivi de mes pieds
ses pas empruntés
par les miens
user de l'intimité
y glisser sa propre réalité
une fiction fidèle
au réel

l'amour sur sa route
deux êtres séparés
contexte intercalé
oeuvre à poindre

l'homme pleure
l'absence
de son obsessive frayeur
d'être un intrus
dans sa propre existence

sur les murs de garde
la capture de l'autre
mémoire d'une rencontre
inachevée

mardi 1 juillet 2008

1er juillet 2008

allongé sur le lit
lourde tâche de rester en vie
la femme de chambre
assise au salon
le valet de maison
fumant au balcon
la famille attablée
devant un buffet froid bon marché
un prêtre blasé
extrême-onction rapidement exécutée
prière au futur défunt
de s'en aller en paix
d'arrêter de lutter

le testament signé
le vieux peut maintenant crever
l'épouse bientôt veuve
sous son masque de deuil
calcule fébrilement
sa retraite dorée